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Christian Durand
est caméraman professionnel. Il présente ses films
dans le cadre des programmes de "Connaissance du monde".
Je suis sûr que vous connaissez tous ces affiches jaunes et
or qui nous présentent les coins les plus reculés
du monde depuis des dizaines dannées. Préparant
un film sur la Russie, Christian ma contacté pour que
je lui organise son séjour sur le
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lac Baikal. Je
fais donc office de guide et dassistant caméraman pour
que vous puissiez sous peu découvrir le lac dans un cinéma
de votre quartier ! Cest à quatre heures du matin quarrive
lavion de Moscou. Quil est dur de se lever ! Christian
débarque en provenance de Moscou à Irkoutsk avec pas
moins de cent-vingt kilos de bagages et rien de superflu : ses bagages
personnels tenant dans un tout petit sac ! |
" Je fais donc
office de guide et dassistant caméraman pour que
vous puissiez découvrir le lac dans un cinéma de
votre quartier "
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Il nous faut
un minibus pour tout transporter vers mon appartement. Je découvre
dès les premières secondes, qu'en plus, tout est fragile.
Il faut éviter les vibrations et la chaleur. Il doit y avoir
de la nitroglycérine dans ses bagages tant il faut les manier
avec précaution. Le soir même de son arrivée
nous montons dans le transsibérien en direction dOulan
Oude, par miracle nous arrivons à caler tous ses bagages
dans notre compartiment. Christian a une grande expérience
des voyages. Il parcourt la planète depuis des années
et ce nest pas ces quelques malles qui vont linquiéter.
Oulan Oude nest pas notre destination finale mais un lieu
de passage obligé pour nous rendre à Oust Bargouzin
où nous attend le bateau du parc national qui doit nous embarquer
vers les îles dOuchkany. Beau programme en prévision,
nous
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partons filmer
les phoques du lac. Quoi de mieux dans un film documentaire que
ces animaux se dorant au soleil du Baikal? Cest à six
heures du matin que le train stoppe à Oulan Oude ; de là
nous attrapons un "marche route" ou minibus à la
gare routière. Coincé entre deux babouchkas, Christian
sendort épuisé par le transport et le décalage
horaire. Pour qualifier les deux cents kilomètres de voie
qui mènent à Oust Bargouzin, je crois que lon
peut parler de piste chaotique. La piste traverse la campagne, puis
longe la côte du lac. La lumière est magnifique, Christian
est étonné de découvrir une côte qui
ressemble plus à la Corse quà limage que
lon peut se faire de la Sibérie. La fin du trajet est
odorante, une des babouchkas sent très fort des pieds. A
tel point que des passagers du bus finissent les derniers kilomètres
un mouchoir |
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sur la figure.
Elle est la seule à ne se rendre compte de rien. Le nez à
la fenêtre nous survivons péniblement.
A Oust Bargouzin nous descendons devant les bâtiments du parc
national. Toutes les maisons sont en bois et les rues en terre battue
; le village ne respire pas la prospérité. Autrefois
florissant grâce à ses conserveries de poisson, le
village survit péniblement aujourdhui.
Serguie, patron du parc, nous accueille chaleureusement. Habillé
dun treillis impeccable et de rangers neuves, il nous expose
le programme quil nous a concocté. Celui-ci est beaucoup
plus court que prévu car il lui faut rentrer pour vendredi
soir, impératif oblige ; il faut comprendre que lentretien
de la datcha et la culture des pommes de terres prennent le dessus
sur le cinéaste venu de France ! Nous avons donc un jour
complet pour filmer Ouchkany. |
"Coincé
entre deux babouchkas, Christian sendort épuisé
"
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Deuxième grande nouvelle les phoques ne sont pas au rendez
vous. Lhiver étant cette année très tardif,
ils ont suivi la remontée de la banquise vers le nord. Cela
fait beaucoup pour Christian qui devient sombre, dautant plus
que le temps se couvre ! |
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Mais laction
prend le dessus sur un moral plutôt bas. Nous embarquons dans
un minibus du parc pour deux heures de route à travers la
réserve en direction du bateau. Au travail dès les
premiers instants, Christian filme le bac de la rivière dOust
Bargouzin, puis plus loin, les montagnes et les premières
berges du lac. Japprends mon métier dassistant
caméraman : "Le pied plus droit", "Noublie
pas la bulle", "Non, ce sac, pas dans le sable par pitié,
pense aux objectifs !". Un cri dans la voiture, stop, stop,
non ce nest rien, Christian vient juste de découvrir
un plan qui lui plaît, notre chauffeur ayant compris un peu
tard nous reculons de trois cents mètres ! A peine arrivée
au bateau, la bobine est bien lancée. |
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Deux
coups de sirène et nous voilà partis. Les nuages couvrent
le ciel et par instant un rayon de lumière permet de filmer
quelques paysages. Je comprends vite que lennemi numéro
un de mon ami est le nuage. Javais promis à Christian
un ensoleillement comparable à la Californie. Quest
ce que je navais pas dit là ! Dommage pour lui car
au mois de mai nous avions profité dun grand soleil
et d'une température de plus de trente degrés. Engoncé
dans son blouson, les yeux vers le ciel, Christian me répète
: "Une seule journée pour filmer à Ouchkany et
s'il faisait mauvais deux jours de suite". Je lui affirme bien
sûr que cela ne peut pas arriver !
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Alors que nous
longeons les côtes de la presquîle dOust
Bargouzin, notre capitaine aperçoit un bateau au loin qui
se dirige lentement vers la berge. Profitant de notre présence
pour faire une tournée dinspection, nous nous dirigeons
pour un abordage en règle ! |
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"
un pêcheur
se promenant sur la berge a servi de casse-croûte pour
ours !"
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Aux jumelles,
les hommes du bord ont découvert la présence de deux
ours sur les berges, lautre bateau est sûrement là
pour les observer. Christian installe sa caméra à
la pointe du bateau. En guise de phoques, il filme des ours. Grâce
à un puissant zoom, les voilà dans la boite. Ils ne
restent que quelques minutes sur la berge puis ils prennent peur
et remontent avec une agilité incroyable vers la montagne.
La façon dont ils évoluent en dit long sur leur capacité
à manger de lhomme en cas de grosse faim. Notre capitaine
nous raconte quil y a deux semaine un pêcheur se promenant
sur la berge a servi de casse-croûte pour ours ! Nous nous
dirigeons vers le bateau non loin et découvrons une équipe
de photographes venant de Nouvelle-Zélande. Ils semblent
peu enclins à nous saluer et pour cause : cela fait quatres
semaines quils attendent pour filmer un ours sur la berge,
nous arrivons et le faisons fuir ! Merci les Français ! Au
fait les époux Turange, vous vous souvenez ! De cette rencontre
lamitié entre la France et la Nouvelle-Zélande
ne sort pas fortifiée ! |
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Un peu méchamment, je le reconnais, leurs
têtes déconfites nous fait encore rire aujourdhui,
mais il ny avait rien dintentionnel dans notre visite
surprise. Merci à eux pour le repérage !
A lhorizon, zéro phoque. Lorage menace, le
ciel devient noir, les éclairs zèbrent le ciel :
impossible de filmer. Le paysage est magnifique, Christian descend
dans le fond du bateau pour sallonger !
Après une réunion au sommet, à fond de cale
nous décidons de ne pas courir après les phoques.
Nous avons peu de temps, nous allons filmer la vie sur lîle.
A moi de convaincre Youra et sa famille, les habitants de lîle,
quil faut qu'ils participent au tournage.
Pour cela je ne suis pas vraiment inquiet. Je rapporte à
Youra des pièces pour son moteur quil mavait
commandées lors de ma dernière visite. Jai
tenu ma promesse, alors il peut bien nous aider une journée.
C'est le temps qui m'inquiète le plus. Nous nous endormons
au son de lorage à labri de la tempête
dans une crique dune des petites îles.
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Après
une bataille sans merci contre la dizaine de moustiques qui vole
autour de la lampe, nous nous endormons épuisés. A
six heures du matin un grand et puissant rayon de soleil inonde
la cabine, je feins de men étonner, Christian est de
fort bonne humeur. Par radio nous avons prévenu Youra : il
doit venir nous chercher à huit heures ce matin. Nous montons
toutes nos affaires sur le pont, le capitaine sen étonne
:"mais vous dormez ici se soir!". Erreur. Il nen
est pas question, s'il ny a pas de phoques nous ne pouvons
pas manquer une minute de la vie de lîle. De jour comme
de nuit la caméra doit tourner ! Cest sur lîle
que nous devons coucher, le capitaine en convient, il na pas
le choix ! Au loin un bruit de moteur. Youra arrive. Pour ne pas
rater cet épisode, Christian se rue sur la caméra.
Ma rencontre avec Youra fait parti du scénario improvisé.
Nous embarquons tout le matériel et convenons dun retour
vers Oust Bargouzin pour le lendemain matin. Dès que nous
mettons un pied sur lîle, je pars discuter avec Youra
du bon déroulement de la journée. |
"A six heures
du matin un grand et puissant rayon de soleil inonde la cabine
"
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Il accepte bien sûr de nous aider. Nous
filmerons sa femme dans son travail de météorologue,
puis lintérieur de la station météo
et les instruments pour le morse, pas le phoque ! (afin de ne
pas déplaire à Christian). Sa femme nest pas
entièrement de son avis, elle napprécie pas
dêtre filmée et traîne un peu la jambe.
Mais le tournage se déroule bien, avec le soleil en prime
! Christian ne pense pas avoir découvert la nouvelle Catherine
Deneuve, mais pour une météorologue elle est parfaite.
Alors que Christian la filme en train de faire la cuisine, elle
sexclame : "mais il filme même cela". Comment
peut elle imaginer que la cuisine sur un poêle à
bois puisse intéresser qui que se soit ?
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Anton le grand
père allume un feu et prépare des poissons à
la sibérienne. Il les enfourche dans une baguette et les
positionne. Le grand père, fort gentiment, accepte de bon
gré dêtre filmé. Il se met même
en scène, coupe du bois et se positionne en fonction de la
meilleure lumière. Il est temps de poser la caméra
et de manger les poissons. |
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Entre deux arêtes,
Christian filme les gamins de Youra : son fils, Anton junior, dix
ans, et sa fille, Elia, quatorze ans. Ils sont sur lîle
juste pour trois mois le temps des vacances scolaires. Puis ils
repartirons pour de long mois de séparation. Après
avoir filmé le travail de la station météo
nous mettons au point le programme de laprès-midi.
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Il nous faut
des images de lîle et du travail de garde de Youra.
Le temps magnifique nous facilite grandement la tâche. Le
lac est très calme, leau limpide. Nous filmons les
criques où auraient dû se trouver les phoques, un peu
de neige recouvre encore quelques rochers. Youra utilise ses jumelles
pour repérer un bateau au loin. Nous apercevons les cimes
enneigées qui se détachent à lhorizon
sur la côte Est du lac. |
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Pour un paysage de carte postale, difficile de faire mieux. |
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Après une longue ballade en bateau, nous
retournons sur lîle pour une promenade sur les berges.
Christian a déjà beaucoup filmé, nous laissons
la caméra refroidir. Je photographie les fleurs de lîle,
les canards senvolent au loin, aucune trace de civilisation.
Le paysage sur des dizaines, voire des centaines, de kilomètres
est vierge. Nous contemplons le lac comme il était il y
a des milliers dannée !
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Youra
nous raconte
que les phoques du Baikal
ont gardé un instinct
qui leur fait tant aimer
la glace
quil la suive vers le nord.
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Il est étonnant
de constater que sur un tel lac il ny a quasiment aucune navigation.
Mais le fuel est cher et les bateaux sont en mauvais état.
Tant mieux le lac reste propre. A notre retour, la vodka coule à
flots. Nous trinquons aux phoques que nous ne verrons pas. Youra
nous raconte que les phoques du Baikal ont gardé un instinct
qui leur fait tant aimer la glace quil la suive vers le nord.
Cela vient, pense-t- il, du fait que, venus il y a des milliers
dannée du grand nord, ce besoin de glace est dans leurs
gènes. En quinze ans dobservation sur lîle
cest la première année quils ne sont pas
de retour à cette période. Christian en avale de travers
sa vodka ! |
"Je
lance très sérieusement une souscription à
ceux qui voudront bien aider Youra ... une bonne uvre
pour la protection dun petit paradis..."
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Pendant le dîner
Youra nous parle de sa vie sur lîle. Il me supplie de
lui ramener lors de ma prochaine visite un moteur de cinq ou six
chevaux. Le sien, de cinquante chevaux, consomme beaucoup trop et
cela devient impossible de sen servir avec laugmentation
du prix de lessence. Il ne pourra bientôt plus patrouiller
autour de lîle. Il dispose dun budget de trois
cents dollars au mieux, cela me semble bien faible pour acheter
un moteur de qualité. Si loin de tout il nest pas question
quil tombe en panne ! Je
lance très sérieusement une souscription à
ceux qui voudront bien aider Youra. Voilà une bonne uvre
pour la protection dun petit paradis, sachant que la direction
des parcs nationaux na pas un rouble pour laider. A
bonne entendeur salut ! Je ferai en sorte que sur la page de garde
de mon site |
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apparaisse le nom de tous les généreux donateurs,
ce nest pas grand chose, mais cest déjà
cela ! Si nous étions cinquante à envoyer un petit
billet laffaire serait réglée, Cest
juré, je ne fonctionne pas comme lancien patron de
lARC !
Le lendemain comme convenu notre bateau jette lancre en
face de la station. Après de longs adieux nous reprenons
la mer. Malgré labsence de phoques Christian a pu
collecter de belles images. Comme si nous étions passé
entre deux orages, le ciel commence à sassombrir,
nous sommeillons dans la cale.
Après trois heures de navigation le moteur stoppe net, nous
entendons les hommes sagiter sur le pont. Panne moteur générale
! Le capitaine nous retrouve sur le pont et nous affirme désolé
: "Cest la première fois que cela nous arrive". |
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Dans son dos
un matelot lui rétorque : "Non capitaine , cest
la deuxième fois en deux mois !","Silence, idiot
!". Par radio, ils appellent une embarcation qui vient nous
chercher du village de Kourboulik à dix kilomètres
de là. Heureusement que nous ne sommes pas tombés
en panne au milieu du lac. Nous finissons le trajet dans une barque
à moteur, dans un minibus puis dans une Lada Niva vers Oulan
Oude. Vers dix-neuf heures nous retrouvons la civilisation. Quouchkany
nous semble loin ! Quand le train pour Irkoutsk sébranle,
les hauts parleurs de la gare crachent une musique militaire : un
adieu des plus solennel pour tous ceux qui partent vers Moscou.
Cinq jours de train, cest la grande aventure du Transsibérien
qui commence. Pour nous elle est de courte durée car à
cinq heures du matin nous descendons à Irkoutsk, nous revoilà
dans le Paris de la Sibérie. Le film est dans la boite :
dici deux ans vous le verrez dans vos salles de cinéma
! |
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Merci à vous tous de penser à Youra
et à la protection dOuchkany.
Pour cela, si vous envoyez ladresse Internet
de la page " Un moteur pour Youra " à tous vos
contacts, nous avons une bonne chance de lui offrir un moteur
grâce à leffet boule de neige du Web.
Un petit don ce nest pas terrible, juste la valeur dune
pizza au restaurant du coin pour aider Ouchkany !
Message personnel pour Christian :
Les phoques viennent darriver à Ouchkany !
Christian je tattends pour filmer lhiver sur Olkhon,
prépare les chaufferettes pour ta caméra ! Je te
promets quau mois de mars il y a bien de la glace sur le
lac. Je fais une prière pour que tes films ne soient pas
bloqués en douane à Moscou.
Bon mois de juillet à vous tous.
Amicalement
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