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Le mois de mai quatre-vingt dix-neuf à Irkoutsk
ressemble à un mois de juillet sur la Côte dAzur;
cest ainsi quIrkoutsk nous accueille pour mon retour rue
Karl Marx. Nous verrons deux jours de mauvais temps ce mois-ci, tous
les autres seront baignés dun grand soleil à peine
concevable pour des parisiens habitués à la grisaille.
Il fera même trente-trois degrés le vingt-cinq mai! Je
suis parti de Paris avec Christophe, breton dorigine, habitué
au vent de Brest. Il découvre la Sibérie sous un jour
quil nimaginait pas. Au bout de la rue principale dIrkoutsk,
sur les quais de lAngara, se situe le rendez-vous de toute la
jeunesse de la ville. En fin de journée les Irkoutiennes profitent
de lensoleillement retrouvé pour se promener dans des
tenues plutôt légères. Les yeux fatigués
par le décalage horaire et brûlés par le spectacle
nous obligent à rentrer vite vers notre appartement. |
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Ici on est loin des problèmes de
lEurope embourbée dans la difficile crise des Balkans.
La seule chose importante, cest le retour de la chaleur, il
fait vingt-cinq degrés le soir et personne ici ne voudrait
rater le début de lété car lhiver
est long: six mois difficiles engoncés dans des manteaux de
fourrure.Le dollar, autre soleil russe, vaut toujours vingt-cinq roubles.
Les magasins ne sont plus achalandés en marchandise étrangère
mais quimporte, ils sont loin dêtre vides. |
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La crise politique à Moscou ne touche
pas le sibérien qui semble à peine au courant des frasques
de leur président.Voilà pour lambiance dans laquelle
nous baignons dès notre arrivée.Mais Christophe est
venu pour voir le lac. Nous décidons de partir rapidement pour
un séjour de six jours sur lîle dOlkhon.
De bon matin, cest dans un bus, véritable épave
chez nous, que le voyage vers lîle commence. A peine sortis
dIrkoutsk, nous sommes rudement secoués sur une route
qui a mal supporté lhiver ! A la première côte
le chauffeur rate une vitesse, le moteur hurle, nous voilà
sur le bas côté ! La fumée envahit la cabine.
Pour respirer un peu nous sortons nous promener non loin de là.
Après une petite demi-heure de mécanique le moteur repart
comme rajeuni. En fait, il nen sera rien. A chaque montée
le moteur chauffe et les courroies lâchent. Six arrêts
folkloriques seront nécessaires pour faireles deux cents kilomètres
qui nous |
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séparent de Marès, dernier
village avant lîle dOlkhon. Le bus en ce début
dété ne fait pas le trajet jusquau centre
dOlkhon. A nous de nous débrouiller pour accéderau
village de Rougir situé à quarante-cinq kilomètres
à lintérieur de lîle. Comme par hasard,
l'unique moyen de traverser le bras de lac qui sépare lîle
de la terre ferme, le bac, est en panne ! Nous sommes, comme une dizaine
dhabitants, bloqués. Personne ne veut croire que le bac
ne viendra pas, chacun prend son mal en patience. Très vite
nous faisons connaissance avec des Bouriates qui, trouvant le temps
long, ont attaqué les bouteilles de vodka ( la Bouriatie est
une république semi-autonome dont la capitale est Oulan-Oude
). La faim venant en buvant, ils décident dallumer un
feu pour y faire cuire des poissons achetés au village de Marès. |
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Manquant de bois ils ne trouvent rien de mieux que de déchiqueter
à la hache une des poutres du ponton du bac. Quimporte
le bois est sec et les poissons cuisent, se sont des Karious, une
des espèces les plus délicieuses du lac, on peut la
comparer à lomble chevalier de nos lacs de montagne.
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Après ce repas, nous tentons de
nous éloigner des Bouriates qui aimeraient bien nous faire
boire une dose de plus. Nous rencontrons alors le chauffeur dun
camion qui patiente aussi pour monter sur le bac. Il possède
sur lîle ce que les russes appellent une tour base (maison
dite de vacances). Je saute sur loccasion, deux cents roubles
par personne pour une nuit avec les repas, quoi de mieux. Pour arranger
le tout nous embarquerons dans son camion pour les quarante-cinq kilomètres
qui nous séparent du village de Rougir. Comme toujours ici
il faut être patient. Cest vers vingt-deux heures trente
que le bac se décide à venir nous chercher. Après
six heures dattente, pas dexplication ou dexcuses
on ne saura jamais ce qui le bloquait. |
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La nuit est presque tombée mais nous apercevons
encore le paysage, cest une steppe lunaire où lon
pourrait sans problème tourner un film qui sintitulerait
" atterrissage sur la planète Mars ". La maison de
Yolia se trouve à la sortie du village. Après un copieux
repas, nous nous effondrons dans nos lits. Ce nest pas ce soir
que nous coucherons sous la tente. |
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Le matin, je fais découvrir à Christophe
les environs du village de Rougir. La partie du lac qui se trouve
là sappelle Mala More ou la petite mer. Cest un
bras du Baikal long de quatre-vingt kilomètres et large de
quinze où tous les pêcheurs de lîle jettent
depuis des années leurs filets pour attraper le fameux Omoul,
le poisson le plus courant du lac. |
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Sur le lac flotte encore quelques glaçons
qui nous rappellent quil y a juste quelques semaines on roulait
sur un mètre de glace. Le silence est perturbé par de
gros blocs qui se brisent pour retourner à létat
liquide, quelques pêcheurs relèvent leurs filets, le
lac est fort calme, aucune ride sur leau à lhorizon.
Pour que le panorama soit encore plus grand nous grimpons sur la colline
vers le village, cest là que nous apparaît le fameux
rocher aux chamans. |
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Lîle dOlkhon est de tradition
chamanique, le dieu Bourtan en est le protecteur. La légende
raconte que ce rocher non loin du village abritait autrefois un Chaman
dans une de ces grottes. Ce caillou sorti de terre est un lieu de
pèlerinage pour beaucoup de Bouriates. Les arbustes aux alentours
sont décorés par des offrandes de tissus, le sol est
jonché de roubles que personne noserait ramasser. Ce
rocher entouré par une petite crique de sable baigne dans une
eau limpide. |
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Poursuivons notre visite par le village
de Rougir. Des side-cars ressemblant à ceux de larmée
allemande pendant la seconde guerre mondiale, transportent femmes
et enfants vers les champs.
Toutes les maisons sont en bois et les rues en terre, pas de doute,
nous sommes bien au centre de la Sibérie ! Le magasin de la
ville sappelle "Gastronome ", il porte en fait assez
mal sont nom, mais on y trouve tout de même lessentiel.
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Dans laprès-midi nous partons
pour une longue marche de quatorze kilomètres le long dune
plage de sable vers le village de Harantsè un peu plus au nord.
Nous rentrons pour le dîner avec des coups de soleil dignes
des sports dhiver. La soirée se déroule devant
la télévision où nos amis nous passent des films
de lidole locale, Pierre Richard, qui l'eut cru ! Pour ce qui
est de la chanson, Mireille Mathieu et Joe Dassin sont tout juste
éclipsés par Paticia Kass. |
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Pour notre deuxième jour sur Olkhon,
Yolia, avec une Jeep amphibie de larmée Russe nous dépose
à Ouzouré où nous attendent Youra et Natacha
à la station météo du bout de lîle.
Ouzoure est composé de quelques maisons de bois qui abritent
une station météo et une station sismologique. A part
Youra et sa famille il ny a que cinq personnes qui vivent dans
le village. Si à Rougir on peut être dépaysé,
à Ouzour on a limpression dêtre au bout du
monde. Youra nous embarque dans son bateau et nous partons visiter
les falaises qui surplombent le lac. A part le petit vent froid nous
pourrions nous croire au Caraïbes tellement leau est claire.Malheureusement
elle nest quà cinq degrés, baignade interdite!
Nous nous arrêtons le long dune plage de galets pour un
pique-nique. Les Omouls cuisent sur des brochettes taillées
à la hache dans des branches de sapin. Youra a emmené
des ufs de poisson que lon appelle ici le caviar rouge.
Après ce déjeuner vient lheure de la sieste pour
les plus fatigués dentre nous. Les enfants de Youra pêchent
quelques Omouls puis partent chercher de loignon sauvage dans
la montagne. |
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La taiga est jonchée des premières fleurs du printemps.
Partout la nature semble fêter le retour de la chaleur.A notre
retour à la station météo nous préparons
litinéraire du lendemain. Au menu vingt-cinq kilomètres
à pied pour rejoindre le bout de lîle dOlkhon,
le cap Raboille. Au petit matin le vent sest levé et
la température a fortement chuté. Nous partons chaudement
équipés pour lascension des premières
collines. Nous traversons des champs dherbes jaunies par la
sécheresses, quelques moutons paissent au loin, aucune âme
qui vive aux alentours.
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Nous marchons dans les paysages où
auraient pu être réalisé le film Urga : de grandes
steppes à perte de vue. Derrière chaque colline nous
imaginons les hordes barbares se précipiter vers nous. Lîle
se rétrécit de plus en plus, sur notre droite le grand
Baïkal, à gauche la petite mer. Le soleil revenu, assis
au bout de lîle, nous pouvons apercevoir lîle
dOuchkany pourtant distante de quatre vingt-dix kilomètres.
La fin de lîle ressemble à la proue dun grand
paquebot qui parcourrait le lac. Un poteau en bois à quelques
mètres du précipice fait office |
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dautel pour les offrandes des Bouriates au
dieu Bourtan.Perdu au milieu de cette masse deau, nous ne
pouvons accéder aux plages, la falaise est beaucoup trop
raide pour tenter une quelconque descente. Nous voulons faire du
thé et cest avec de la neige non encore fondue que
nous remplissons notre gamelle, après tout cest aussi
de leau ! Le thé avalé, nous voilà requinqués
pour le chemin du retour. Après une nouvelle journée
de promenade, nous rentrons vers Irkoutsk par le bus du dimanche
matin.
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Christophe a pu goûter les joies
du Baïkal, quant à moi je ne men lasse pas. Lîle
dOlkhon assez facilement accessible dIrkoutsk est certainement
un périple fort dépaysant sans pour autant nécessiter
une condition physique spéciale. Christophe est reparti vers
la Bretagne la tête bourrée de souvenirs, mais lhiver
sibérien lui manque. Il reviendra sûrement cet hiver
mais cette fois là pour marcher sur leau. |
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Pour ma part, je mapprête à repartir
vers lîle dOuchkany avec un cinéaste Français
pour filmer les phoques. Lété sannonce
bien, je suis très heureux de pouvoir maintement vous envoyer
ma chronique avec des photos, cest tout de même plus
vivant. En fin de chronique vous pourrez découvrir le bateau
qui vous attend dans le nord du lac pour une croisière, onze
mètres de vacances !
Bon mois de juin à vous tous.
Amicalement
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