OLKHON EN KAYAK,
par Eric Brossier
Mon ami Arnauld
avec qui je devais partir faire le tour de l'île d'Olkhon en kayak
a dû rentrer en France à la suite du décès
d'un de ses proches. Longtemps j'ai hésité à partir
pour une telle aventure mais les 4 pages de consignes qu'il m'a préparées
justifient largement le fait que je maintienne mon voyage. Les nombreux
amis d'Arnauld et tout le matériel qui m'attend là-bas
sont une occasion rêvée pour découvrir la Sibérie.
Tout est prévu,
depuis l'accueil à l'aéroport d'Irkoutsk, l'appartement,
le matos pour la rando, de superbes kayaks Nautiraid, des cartes, et
même un guide.
Je teste en direct
le sens de l'organisation d'Arnauld
Mardi 21 juillet
Comme convenu Nicolas
ami d'Arnauld et Irène, jeune femme sportive qui va m'accompagner,
me retrouvent dans l'appartement que me prête Catherine, assistante
à l'université d'Irkoutsk. Je m'attelle au montage d'un
des 2 kayaks. En ² d'heure la bête est prête. 2 sacs de
15 ou 20 kg deviennent un kayak robuste et adapté aux expéditions
lointaines. Je fais ensuite le point avec Irène du matériel
commun : popote, réchaud, tente, jumelles, GPS, hache, pharmacie,
trousse de réparation pour les kayaks, c'est un vrai magasin
ambulant que nous allons promener ! Après toutes ces vérifications
nous partons pour une promenade vers le port de plaisance d'Irkoutsk.
Une petite dizaine
de voiliers attendent leur tour pour rejoindre le lac, 700 km de long,
30 à 80 km de large, 1700 m de fond, le domaine navigable, entouré
de montagnes est immense, perché au cþur de l'Asie centrale,
au sud de la Sibérie. Quelques bateaux de pêche rouillés
ou retapés, une multitude de petits canots à moteur pour
les pêcheurs occasionnels envahissent le port.
Un peu plus loin,
au pied du barrage qui retient le Baïkal avant de le laisser filer
dans la rivière Angara, une petite foule profite d'un été
trop court. Place aux bikinis et aux coups de soleil.
Après cette
journée de détente, je fais dans la soirée les
derniers préparatifs pour notre aventure qui démarrera
demain par le bus qui doit nous déposer près de l'île
d'Olhon.
Mercredi 22 juillet
Comme prévu
Nicolas et mon guide Irène sont à la porte de mon appartement
à 7 h 30 ! Tout est chargé sur la Lada Niva de Nicolas,
direction la gare routière où le bus nous embarque direction
Olkhon.
Il y a deux ethnies
bien distinctes dans la région : les Russes de type Européen
(je passe beaucoup plus inaperçu qu'en Mongolie et l'on ne cesse
de me parler en Russe), et les Bouriates qui ressemblent fortement aux
mongols. Parmi les passagers de notre bus, je suis le seul étranger
mais pas le seul vacancier. Un couple de copains d'Irène, étudiants,
partent marcher dans l'île d'Olkhon pendant trois semaines. Notre
équipement contraste beaucoup avec le leur, kayaks sur-équipés,
GPS, téléphone satellite ! Nous sommes des scouts de luxe
!
Irène me
réveille alors que le bus arrive en vue de l'île d'Olkhon.
Le Baïkal est bel et bien le joyau de la région, tous les
passagers lèvent la tête et l'on entend malgré les
ratés du moteur, des murmures d'émotion.
Nous attendons quelques
temps avant de prendre le bac et descendons à l'embarcadère
opposé où nous déposons tous nos bagages au bord
de l'eau. Nous nous installons pour la nuit. Avant tout, nous montons
les kayaks, ce qui s'avère relativement aisé puisqu'en
deux heures, les 2 sont opérationnels, pieds de mât pour
la voile, gouvernail et pédales de commandes inclues. Vu la fatigue,
l'heure tardive et la pluie qui arrive nous remettons à demain
les essais et nous nous concentrons sur le montage de la tente et les
préparatifs du dîner. Un pêcheur vient nous offrir
des poissons que nous faisons cuire sur notre réchaud à
essence, carburant récupéré auprès d'un
side-car juste avant de prendre le bac !
Vient ensuite l'heure
de la vacation téléphone sous la tente puisqu'il pleut.
J'oriente l'antenne vers le satellite au sud Ouest et le laisse en veille.
21h15 coup de fil d'Arnauld, réception excellente, il fait chaud
en France, il pleut en Sibérie ! RAS tout se passe comme prévu,
à tchao. Je téléphone à un ami en France
histoire de le rassurer. Cette sensation de pouvoir joindre n'importe
qui de n'importe où est vraiment incroyable et quelle sécurité
s'il arrive quoi que ce soit. J'hésite un instant à envoyer
un message sur le kobby de Charlotte· "bonjour quel est le numéro
de votre kobby ?" Je renonce, je suis en Sibérie et ne souhaite
pas tout emporter jusqu'ici.
Jeudi 23 juillet
Il est bientôt
midi quand tout est bouclé, nous testons les kayaks sur le lac
parfaitement calme, stabilité record, en quelques minutes nous
maîtrisons facilement la direction grâce au gouvernail et
aux pédales de direction. Rien à voir avec la stabilité
précaire des Katchikys (pourtant de très bons kayaks)
de Plasmor utilisés à Paimpol en avril dernier lors d'un
super stage de kayak de mer où le temps était bien pire
qu'en Sibérie aujourd'hui. Mais la glisse et la légèreté
sont à revoir sur nos embarcations, on ne peut pas demander la
Lune à nos bateaux.
Avant de partir,
nous respectons la coutume qui veut que chaque visiteur de l'île
d'Olkhon monte depuis la plage avec une pierre pour compléter
l'un des nombreux cairns situés sur la crête qui dominent
la petite baie.
Enfin nous partons,
sensation d'autonomie, de liberté et d'indépendance. Après
une petite heure de navigation nous quittons la passe entre l'île
et le continent et poursuivons vers le Nord Est, sur notre gauche de
hautes falaises, à notre droite le Baïkal à perte
de vue. A peine distinguons nous les montagnes sur la rive opposée
à 50 km de là. Il fait chaud, Irène est en maillot
de bain, moi en tee shirt, est ce bien la Sibérie ! Cette rando
se fait aussi l'hiver sur la glace, il fait alors de moins 20 à
moins 30 degrés !
Le lac est un miroir
et nous avons la chance de voir quelques phoques du Baïkal percer
la surface de l'eau, curieux, sans doute intrigués par les kayaks;
beaucoup de goélands et de canards nous survolent. Un pêcheur
vient à notre rencontre et nous fait cadeau de 3 poissons et
de pommes de terres, il parle un peu l'anglais et me raconte sa passion
pour la pêche. Il est avec son fils à l'abri de la pluie
qui tombe depuis une heure maintenant, sous une grande parka assis au
fond du canot à moteur. La pêche pour eux est plus qu'un
travail, c'est une véritable passion.
Par chance le soleil
revient alors que nous débarquons pour la soirée.
Irène a l'habitude
de nettoyer les poissons, de faire le feu, rien ne l'effraie. Elle utilise
de l'ail sauvage et des herbes pour faire cuire le poisson, un vrai
délice. Elle me parle du Baïkal l'hiver et me fait comprendre
qu'il faut impérativement que je revienne le voir. Elle me décrit
les plantes typiques de la taïga et je revois les champs d'Edelweiss
défiler à travers les vitres du bus sur la route d'hier.
Alors que le silence est total, nous dégustons des gâteaux
préparés par la mère d'Irène et buvons un
thé bien chaud. Nous entendons vaguement un bateau mais ne le
voyons pas, d'étranges chocs sourds parviennent jusqu'à
nous. Seul les bruits de la coque sur l'eau rompent ce calme total.
Vendredi 24 juillet
Il pleut et surtout
le bruit des vagues ne trompe pas, le lac est agité. Des rouleaux
d'un bon mètre se forment avant d'arriver sur la plage et se
fracassent sur les galets de granit. Autour d'un petit feu nous hésitons,
pour ne pas remplir d'eau les kayaks il faut partir avec la jupe en
place, pas facile alors de progresser en prenant appui de chaque coté
du kayak avec les mains posées sur le sol. De plus les kayaks
sont chargés. Nous risquons de prendre un rouleau de travers
ou de chavirer ou de se retrouver projetés sur la rive; nous
risquons de casser quelque chose. Ce n'est ni le lieu ni le moment de
prendre ce genre de risque, alors il faut attendre. En regardant les
rouleaux, les oiseaux, la brume, la pluie. Sous la tente je scrute les
guides et cartes en écrivant mon journal. Nous grignotons quelques
figues et du chocolat, je m'exerce vainement au Russe, alors qu'Irène
parcourt courageusement le dictionnaire Russe Anglais. Ce n'est donc
pas l'envie de discuter qui manque mais plutôt notre niveau de
langue commune qui est faible. Avec la pluie, la préparation
du repas sur le feu et sa dégustation nous prennent 3 bonnes
heures, cela a le mérite de nous occuper. Nous observons les
rouleaux responsables de notre deuxième bivouac au même
endroit !
Samedi 25 juillet
Même temps
même topo et la flegme de sortir allumer le feu.. Alors pas de
petit déjeuner. J'avale cependant un un bol de céréale.
Lire, écrire, ne rien faire sous la tente doucement martelée
par la pluie. De nouveau à contempler les vagues, l'hésitation
cède devant la détermination. J'enfile mes chaussons Néoprène,
règle ma jupe et mon gilet, vérifie mon kayak. Je me lance
dans les rouleaux bien de face comme enseigné à Paimpol,
merci à eux.
Faux départ
mon kayak prend mal le premier rouleau, se met en travers et se retrouve
projeté sur la rive. Plus précis le second est le bon
essai, le kayak répond bien et comme me l'avait dit Arnauld ils
sont vraiment robustes. Quelques ronds dans l'eau pour apprivoiser cette
houle d'eau douce et je retourne vers la berge. Plus facile que le départ
mais attention à l'atterrissage, emporté par un rouleau
bien formé. Sensation grandiose de surf pendant quelques secondes.
Je réveille Irène, nous partons, les sacs sont bouclés
en trois quarts d'heure. Je pousse Irène dans son bateau et lui
donne l'élan nécessaire pour franchir le premier rouleau.
Les kayaks chargés sont plus difficiles à manþuvrer, mais
moins perturbés par les rouleaux lors du départ de la
plage. Il est 16 h !
En moins de 2 h
nous atteignons la zone de campement indiquée sur la carte. Alors
que j'approche d'une tente, je reconnais la silhouette de Slava et bientôt
de Nadia, copain d'Irène qui étaient dans le bus. Accueil
chaleureux, ils nous guettent depuis hier, le repas est prêt.
Vite notre gamelle est pleine. Ils sont installés comme des chefs
et pourtant n'ont jamais fait de scoutisme, ce réflexe fait certainement
partie de toute bonne éducation sibérienne. Après
le dîner et un bon thé au citron Slava et Nadia nous font
une démonstration de pêche inédite. Un fil, 10 hameçons
mouches régulièrement répartis et une bobine d'un
côté. C'est un engin fait maison. A savoir 2 planches parallèles
reliées par 2 petits tubes de métal, l'ensemble flotte,
les planches étant verticales, le fil est relié à
l'un des coins, ce qui donne à cette embarcation une direction
de 40 ou 50 degrés par rapport au fil. Ainsi Nadia la lance dans
l'eau et Slava marche le long de la plage, l'engin est à 20 ou
30 m du bord et ça marche ! 3 poissons dès le premier
lancer ! J'essaie en vain la canne à pêche que m'a prêtée
Arnauld, mais Slava me bricole une ligne avec un bouchon, des mouches
et un fil, cela semble plus adapté au Baïkal que la méthode
occidentale. Dès le premier essai la ligne s'accroche au fond
dans les pierres, pas de chance pour moi, les poissons ne rendent visite
qu'aux Russes. Cet exemple comme beaucoup d'autres montre qu'avec un
équipement, un habillement ressemblant à ceux des revues
d'il y a 30 ans en France, les Russes semblent plus à l'aise
que nous dans les conditions difficiles. Avec le sourire et la bonne
humeur, pas forcément avec la vodka. Quoique ma flasque de whisky
provoque de nombreux adeptes !
Dimanche 26 juillet
Lever 6h30, l'idée
étant d'avancer un peu plus aujourd'hui. Nadia et Slava sortent
de leur tente pour nous saluer, nous leur laissons un bon feu pour leur
petit déjeuner. La houle est encore assez forte mais les kayaks
toujours aussi stables. Sous le ciel couvert nous progressons bien,
la falaise embrumée défile sur notre gauche. Une série
de vagues bien formées nous donne l'occasion de surfer sur quelques
mètres. Plus tard une brise venue du sud se lève, sous
l'þil médusé d'Irène je plante la voile à
l'avant de mon kayak et la laisse de suite sur place. Elle fait rapidement
de même et s'élance 5 mn après dans mon sillage.
Nous voilà ainsi poussés par le vent dans le sens des
vagues, 500m entre les kayaks, des km de fond sous nos embarcations,
nous naviguons à 1 bon km des côtes et nous sentons vraiment
tout petits dans cette immensité.
Tout d'un coup apparaissent
des nerpas, phoques endémiques du lac dont le cousin le plus
proche habite l'arctique à 3000 km de là. Ils sortent
leurs têtes de l'eau par dizaines, nous contemplons avec plaisir
les têtes curieuses avant qu'elles ne se décident à
replonger.
Parfois des épineux
arrivent à pousser sur les rives, rares sont les plages et les
trois poses de la journée sont dictées par les sites d'accostage.
Pendant un moment nous longeons une falaise de marbre blanc, des blocs
énormes semblent menacer le kayakiste trop curieux.
Après un
léger changement de cap nous sommes d'un coup à l'abri
de la houle et le lac redevient d'huile. Par chance nous trouvons pour
la nuit un campement idéal préparé certainement
par des pêcheurs, table, banc, fil à linge, bois pour le
feu, pommes de terres, le tout dans un décor de taïga surplombant
le lac, quoi demander de mieux ! Cela nous aide à oublier la
pluie qui tombe de nouveau après une journée de répit.
Une longue journée de kayak pendant laquelle les émotions
passent de la joie à la tristesse, résultat d'un esprit
stimulé par l'effort et le décor, cocktail imprévisible
qui pourrait devenir une drogue.
Deux gros bateaux
passent sans savoir que des kayakistes isolés sur la plage les
observent évoluer entre les phoques.
Lundi 27 juillet
La pluie ne dure
pas et nous arrivons en vue de la station météo d'Ouzour,
presque à l'extrémité nord Est de l'île sous
le soleil. Arnauld m'a recommandé de dire bonjour à la
station météo, ce sont des amis depuis deux ans. Volodia
et sa femme sont bien là, ainsi que de nombreux touristes ou
scientifiques au travail : géologues Russes et Suisses. Les longs
mois d'hiver passés ici sont bien différents de l'été
pour ce couple en charge de la station météo. Nous sommes
accueillis à bras ouvert, thé, poisson, pommes de terres,
jus de myrtille, þufs durs, pain, quel festin !
Mardi 28 juillet
Cette journée
ensoleillée nous offre aussi la possibilité non négligeable
de nous laver dans le lac, ce qui n'est peut-être pas inutile.
Nous progressons bien et passons le cap nord de l'île, pour nous
retrouver sur la côte Ouest sur la petite mer appelée ici
Mala More. Le soir des pêcheurs ne trouvent pas de meilleur emplacement
pour lâcher l'ancre que celui en face de notre tente. Moteur et
musique à fond ils pêchent le karious, un poisson très
joueur qui est attiré par les remous provoqués par l'hélice.
Les femmes du bord partent chercher des sauterelles qui serviront d'appâts,
les hommes prennent des dizaines de poisson, nous observons ce spectacle
étonnant. Le soleil se couche sur la côte Ouest derrière
les montagnes qui surplombent la baie. Les pêcheurs nous lancent
au moment de partir un sac avec 4 beaux poissons, mais notre repas est
fini, ce sera pour demain. La veille téléphonique ne fonctionne
pas, très certainement à cause des falaises qui gênent
la liaison satellite.
Mercredi 29 juillet
Le lit de galet
ne nous invite pas à faire la grasse matinée, les pagaies
sont en action bien rapidement pour un matin, quelques pansements sur
les doigts pour ralentir les ampoules et nous partons. Le lac est d'huile
et la brume tenace ne nous laisse pas deviner le haut des falaises.
Dans ce calme et ce silence feutré, les familles de canards sont
venues remplacer les phoques, nous les dérangeons à plusieurs
reprises. Affolés les canetons tentent de suivre leur mère,
ce n'est pas aujourd'hui qu'ils voleront !
Les falaises se
transforment en plages et nous redécouvrons la civilisation.
Nous retrouvons les 6 kayakeurs rencontrés à Ouzour, ils
sont en maillot de bain et se prélassent autour du feu, se baignent
même dans l'eau pour les plus courageux. Plus loin une famille
en vacances nous offre une tasse de compote, sorte de jus de fruit,
chaud. Nous acceptons finalement un repas complet autour d'une table
type scout, construite sous les arbres à côté de
leur tente. Le père de la famille est chimiste dans le pétrole
et nous sommes aussitôt qualifiés de collègues.
Les touristes que nous rencontrons sont très variés, telle
cette photographe professionnelle qui nous mitraille et pour qui nous
effectuons quelques ronds dans l'eau ou encore deux anglaises surprises
par la douceur du climat Sibérien.
Dans la baie je
navigue tranquillement et longe un beau voilier, je me prends à
rêver de celui que j'achèterai un jour ! Nous mettons les
voiles en fin de soirée, la brise thermique soufflant dans La
bonne direction. Paisiblement nous prenons des photos et observons la
côte aux jumelles, le tout en avançant plus vite qu'à
la pagaie, très cool n'est ce pas ? Cette pose dans l'effort
tombe à pic car les coups de soleil et un début de tendinite
se font sentir depuis quelques heures. Petite plage sympathique pour
le soir, coup de fil à Arnauld pour le rassurer car nous n'avons
pas pu le joindre hier. Coucher de soleil pendant le dîner, tout
va pour le mieux ! Dans la soirée nous montons sur les collines,
la vue est superbe et j'aperçois le village de Léonid,
un autre ami d'Arnauld à qui nous rendrons visite demain matin.
Jeudi 30 juillet
Beau temps radieux
dès le matin, ça va cogner sur l'eau ! Je propose à
Irène de faire le tour d'un rocher à 2 km des côtes.
Sur ce rocher habite une colonie d'oiseaux. Irène m'y rejoint
20 mn plus tard, ce sont des mouettes du Baïkal ou des sternes
que l'on pourrait compter par milliers, le spectacle est bruyant.
Sur la plage, je
rencontre Hani, il vient de Suisse. Il fait partie d'un groupe de vacanciers
et comme par hasard il connaît Léonid, leurs tentes sont
plantées juste devant chez lui. Pendant qu' Irène continue
de tournicoter autour d'autres îlots Hani me conduit chez Léonid.
Café chaud
pour faire connaissance, il a une cinquantaine d'année, le teint
halé par le soleil, un sourire chaleureux qui témoigne
sans nul doute de sa gentillesse. Il nous propose de s'arrêter
chez lui car il semble difficile de débarquer les kayaks à
Rougir, village à 7 km où nous devrions normalement stopper
notre périple. IL organise d'un coup de baguette magique le transport
de nos kayaks avec sa camionnette pour demain, et le bus doit nous ramènera
sur Irkoutsk.
D'un dernier coup
de pagaie j'embarque dans mon kayak Brigitta, Suisse, musicienne qui
rêvait depuis 8 jours de faire le tour de l'île juste en
face de la maison de Léonid. Hani nous suit avec le deuxième
kayak. Ravis, enchantés, ils me communiquent leur enthousiasme.
Entre temps d'autres curieux sont arrivés et ont la joie de monter
dans les kayaks. Pour deux jeunes Russes Astronomes et Radiogéophysiciens
c'est la première fois qu'il embarquent sur le grand lac; depuis
le temps qu'ils en rêvaient !Une première aussi pour Léonid
qui tire franchement sur les pagaies, le sourire jusqu'aux oreilles.
Les Suisses nous
invitent pour le déjeuner et je file à bicyclette vers
Rougir pour acheter les tickets de bus avec un petit plan en poche.
Pas de problème, les tickets sont à prendre directement
dans le bus pour un montant de 73 roubles. Au Gastronome je m'offre
un Coka, luxe total et achète 3 pains pour nos amis.
J'en profite pour
faire un petit tour dans le village vers le rocher au Chaman, rocher
isolé et différent des autres qui surplombe la place du
village. Je discute 5 mn avec une artiste finlandaise rouge comme une
écrevisse, accompagnée par deux jeunes filles Bouriates,
toutes les trois en vacances avant un séminaire à Oulan
Oude capitale de la Bouriatie au sud Est du lac.
L'éclairage
est splendide sur la piste du retour à travers la taiga et de
ma mémoire jaillissent des souvenirs de mes voyages au Québec.
Les tombes fleuries de loin en loin rappellent que la conduite des Russes
n'est pas toujours très sûre.
Après avoir
rangé les kayaks dans leurs sacs, nous prenons part à
un méga barbecue Suisse, Français, Russe, le banquet international
type !
Nous confions à
Léonid le reste de notre essence et quelques médicaments
ainsi que les boîtes de conserves qui ne nous sont plus nécessaires.
Comme c'est le jour de la vacation téléphonique j'installe
le téléphone, Arnauld m'appelle et me transmet toutes
ses amitiés pour Léonid, des gamins sont ahuris par cet
engin sans fil qui répond à mes propos alors que je discute
avec ma famille en France.
Dans la soirée,
la sono est assurée par de jeunes Russes, la lambada version
techno et même l'été indien de Joe Dassin perçent
les enceintes en notre honneur.
Vendredi 31 juillet
Bonne nuit chez
Léonid, pas de tente à plier. Léonid part prendre
son bain quotidien dans le lac et ramène 20 litres d'eau. Je
le rejoins trop tard pour piquer une tête mais je me charge à
mon tour de la corvée d'eau.
Vers 8 h un camion
est là comme promis; nous embarquons nos kayaks et paquetages.
Après des adieux chaleureux à Léonid nous quittons
son village direction Rougir et notre bus.
Nous sommes en avance
et le conducteur bricole son vieux bus, un seul passager montera avec
nous. C'est un Chaman Bouriate qui dans un débat animé
nous dénonce le système soviétique qui a eu tendance
à éliminer des petits villages de part et d'autre de la
piste. Ce Chaman nous rappelle que la religion Bouriate est bien plus
ancienne que la religion Catholique, il fait circuler parmi nous un
livre sur celle ci. Puis le remplissage du bus se fait au fur et à
mesure, un vieux pêcheur avec ses cuissardes embarque puis d'autres
paysans.
Après une
pause beignets vers 1 h presque comme ceux rencontrés à
Pékin, nous arrivons à Irkoutsk vers 17 h. C'est ainsi
que s'achève notre merveilleuse balade autour de l'île
d'Olkhon, il ne me reste plus qu'à revenir en hiver pour marcher
sur l'eau ! A moi maintenant le Kamchatka et ses volcans pour une visite
d'une semaine.
Au revoir Olkhon
ou plutôt à bientôt !
Eric
Brossier
juillet 1998
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