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• Baikal a bicyclette
• Olkhon en kayak
• Interview d'un pêcheur d'Irkutsk
• Un traîneau sur le lac
• Premier voyage d'Arnaud Humann
• De Severobaïkal à Solnichnaya en kayak
• Tour d'Olkhon à pied en hiver
• Moteur pour Youra. Pari gagné !

Pendant l'hiver, le lac Baïkal est un mystérieux croissant de glace. Les Sibériens aiment à répéter que celui qui l'a admiré une première fois ne peut s'empêcher d'y revenir. C'est le cas pour Arnaud Humann et Guy Jeandon. Cette fois-ci, ils ont décidé de parcourir à pied, sur la glace, les 400 kilomètres séparant Oust-Bargouzin de Sévérobaïkalsk.

UN TRAINEAU SUR LE LAC
par Guy Jeandon

28 février 1998. Oust-Bargouzin. Un village de bois figé dans sa torpeur hivernale, entre un lac de glace et des montagnes abruptes aux gorges profondes. La nuit est tombée, les rues sont silencieuses, froides, gelées. Le passage des voitures a tracé des sillons brillants dans lesquels se reflète la lune. La neige étouffe les bruits. Seuls hurlent les chiens. Au loin, faiblement éclairé, le 'Santa Barbara' local : quatre maisons à deux étages. Juste avant, une venelle luisante descend en pente douce jusqu'au centre de secours. Andreï, l'homme de garde, a dix-neuf ans. Lassé d'une journée figé devant la télévision en noir et ... vert, il sort prendre l'air. Arnaud et moi devenons seuls responsables du centre, avec comme consigne de ne pas répondre aux appels radio. Ce n'est pas le moment d'avoir besoin de secours ...

Le lendemain à six heures du matin, il faut enjamber des corps endormis sur le plancher brun pour rejoindre la cour. Le thermomètre annonce -17 degrés centigrade, nous partons par la rivière gelée. Le jour se lève et la glace, rosie par l'astre montant, se strie, se colore de blanches bulles d'air et d'herbes prises. A l'embouchure, la plage (de sable en été) est recouverte de monticules de neige et de glace. Certaines de ces collines sont creusées de grottes, on dirait des vagues figées dans leur mouvement par un froid géant. C'est d'ailleurs les vagues d'eau et de froid successives qui ont construit cette architecture de dunes gelées : le lac commence à geler par la plage. Chaque année, la nature architecte renouvelle le spectacle.

Un petit vent se lève, brûle les oreilles, l'expédition commence. Nos crampons griffent la glace. Nous sommes seuls. Enfin presque : le mètre d'épaisseur de la glace permet le passage des véhicules et une camionnette de pêcheurs passe en pétaradant sur la 'route' balisée de sapins plantés dans la banquise. Car le lac gelé est loin d'être lisse : des blocs de glace expulsés sous l'effet de friction des plaques forment d'immenses champs infranchissables. Ces sapins-balises, visibles de très loin, nous aident dans notre progression car notre radeau artisanal ne résisterait pas à la traversée des zones tourmentées. Nous avançons donc aisément jusqu'à une station météo abandonnée. La seule maison encore debout sera notre chaumière du jour. Très froide. Le feu d'enfer du fourneau, inlassablement bourré jusqu'à la gueule, ne suffit pas à faire taire la buée qui s'échappe de nos bouches. A côté de l'âtre, un petit lit épargné témoigne du passage
d'un enfant. En face, une armoire défoncée contient des films abandonnés par ces scientifiques de l'extrême. Des chercheurs qui ont accumulé, chiffre après chiffre, jour après jour, cahier après cahier, des données météorologiques. Les meubles éventrés regorgent de ces cahiers
poussiéreux, parfaits pour allumer le feu.

5 mars. Nous atteignons l'île de Bolchoï Ouchkani. Enfin. Cela faisait trois jours que nous l'avions en point de mire, qu'elle semblait si proche, était si loin. Les distances sur le Baïkal, désert de glace, sont fort trompeuses. Sur l'île (quatre kilomètres sur deux) vivent six personnes. Nous sommes les visiteurs, passons chez tous. Chacun nous parle de la difficulté de vivre confiné, coincé sur un îlot. Nadia est à la retraite depuis quatre années mais sa pension est si maigre qu'elle doit continuer à travailler. Elle nous reçoit à la station météo baignée d'une odeur surprenante : si la première moitié de la pièce est jonchée d'engins de communication, l'autre l'est de cages à poules. Tout en alignant d'incompréhensibles chiffres dans des cahiers, elle s'épanche : 'Les agents météo ont toujours été une très bonne clientèle pour les asiles psychiatriques. Nous travaillons dix mois d'affilée en pensant à nos deux mois de vacances. Dès mon retour ici, je compte les jours qui me séparent de mes prochaines vacances. Il n'y a rien sur l'île, pas de magasin, la télévision est cassée et nous voyons toujours les mêmes têtes'. A force d'être les uns sur les autres, les insulaires ne peuvent plus se voir, ne se supportent plus et s'enferment chacun chez soi, sur soi. Bien que souvent prostré d'ennui, Anton, six ans, est le rayon de soleil d'Ouchkani ; entrant spontanément dans tous les appartements, il fait la liaison entre les adultes. Mais l'année prochaine Anton doit être scolarisé, il partira en pensionnat sur le continent.

Une des particularités de l'île d'Ouchkani est d'être le refuge préféré des nerpas du Baïkal, uniques phoques d'eau douce à l'origine encore mystérieuse. En cette saison, ils nagent sous la glace, respirent par les failles et se réfugient sous les congères. Invisibles. Ils ne pointeront le bout de leurs moustaches que vers la mi-avril, lorsque la glace commencera à fondre.

Nous quittons l'île pour rejoindre la côte est du lac à dix-huit kilomètres. Mais il a neigé et notre radeau des glaces a une garde au sol trop basse : il ramasse la neige fraîche, l'accumule, se transforme en chasse-neige, en monument. Pendant des heures, nous tentons toutes
sortes de modifications inopérantes. Il ne nous reste plus qu'à tirer comme des forçats, silencieux, résignés, notre engin rebaptisé 'la chariote'. De plus, Arnaud est de mauvaise humeur : il vient de parcourir de nombreux kilomètres supplémentaires à la recherche de la thermos qui s'était détachée du traîneau. C'est lui qui l'avait mal arrimée. Je l'ai regardé s'éloigner, devenir -malgré les jumelles- aussi petit qu'un point, puis disparaître dans le grand blanc. Cette thermos
et son liquide fumant nous réconfortent tant dans la journée.
Lorsque la nuit tombe, nous approchons enfin de la berge. Et apercevons des traces fraîches. Des traces d'ours. Toutes fraîches. Un ours si tôt réveillé, c'est pas normal. Malade probablement. Affamé et fort dangereux, sûrement. A peine plus loin, la glace se met à gronder,
à gauche, à droite, sous nos pieds. Elle vibre. J'ai une sensation de chaleur dans les jambes, l'impression qu'un geyser va jaillir de sous nos pieds. Par chance, il n'en sera rien, les plaques de glace se sont frictionnées mais aucune faille ne s'est ouverte. Réfugiés sur la rive, nous faisons gronder un feu immense, aux fonctions multiples : nous réchauffer (il fait -25°C), assurer le spectacle, réduire notre appréhension des ours et, accessoirement, mettre le feu aux pantalons en gore-tex. Les flammes éclairent notre maigre campement : à gauche de la tente, une hache plantée dans la neige. A droite, un gobelet d'essence et des allumettes. Tout autour, les étoiles. Le froid. La nuit. Sibérienne.

Le lendemain soir, après la traversée d'une baie de douze kilomètres, nous approchons de Kiberkouille où se trouve, nous a-t-on dit, une cabane de trappeur. En chemin, des pêcheurs sous glace nous offrent une dizaine d'omouls, poisson délicat du Baïkal. Un ancien raconte comment il a arrêté de fumer : 'Au début de l'ère Gorbatchev, je ne reçut plus que quatre paquets de cigarettes par mois. C'est si peu. Que faire ? Fumer des branches ? De l'herbe ?' Le mieux pour lui a donc été d'arrêter. Par obligation. 'C'est comme ça', dit-il, sans le moindre ressentiment. Etonnante abnégation d'un peuple.

Yvan 'Baradoï' ('Le barbu') n'a pas, lui, arrêté de fumer ; des Prima, cigarettes locales, noircissent ses doigts et sa cabane entière, en continu. Douze années de taïga solitaire ont rendu l'homme un peu sauvage, ours. Et alcoolique. Et nous n'avons pas de passeport (de la vodka) ! A force de diplomatie, nous obtenons tout de même l'autorisation de coucher sur le plancher au niveau duquel l'air, qui se renouvelle par les interstices entre les planches, est plus respirable.

10 mars. Près d'une rivière gelée, se trouve un 'zimavio' (refuge). Sur la carte. La rivière impassible existe, mais pas le zimavio. Démoli. C'est déjà la deuxième fois qu'on nous fait le coup.

11 mars. Il fait moins trente degrés. Assis sur la glace, par un vent qui glace, nous déjeunons d'une soupe dans laquelle nous trempons du pain parfaitement gelé, coupé à la hache. Heureusement, au loin, nous apercevons Davsha, un hameau de 80 âmes. Depuis le port, un ponton de bois dans une gangue de glace mène au village. D'abord la station météo, ensuite l'unique magasin, fermé l'an dernier (où allons-nous donc nous réapprovisionner ?), les habitations, le musée, la poste et le bureau de l'Office des Parcs Nationaux. Au fond, un aéroport enneigé, incongru, inutile et inutilisé, surplombe le tout. Evgueni, employé du parc national, nous accueille. Après une collation de pain et de thé, il nous mène, par un chemin gelé parsemé de bouses de vache, vers une sorte de bunker, seul bâtiment en béton du village. Délabré. L'intérieur, bien que vide, n'est que désordre. Des morceaux de plafond traînent sur le sol. Trois marches mènent à une seconde salle où achèvent de rouiller un portemanteau et deux baignoires encastrées dans le sol. L'une d'elles déborde de gravats. La seconde accueille un tuyau de type épuration, duquel coule en permanence ... de l'eau minérale chaude ! Quel bonheur que celui d'un bain de cow-boy fatigué dans une station thermale ! Les
pieds sales dépassent de la mousse du shampooing (qu'il a fallu dégeler).

Le lendemain, profitant de l'électricité due à la visite annuelle des médecins, nous visitons le musée glacial. 'Le froid est bon pour la conservation des bêtes empaillées', nous affirme Evgueni. De leurs yeux de verre nous observent des ours et des loups, des zibelines, des porte-musc, des taïmens gigantesques et des phoques d'eau douce. Evgueni raconte : 'Dans l'écosystème local, une variété de pin prédomine. Ce pin produit des graines appréciées par les zibelines et
les ours, d'où l'abondance de ces deux espèces dans la région'. En soirée, nous sommes invités à déguster des ombles royaux chez une entomologiste. Les gardes-chasse sont de la partie. Youri, une force de la nature, un géant, arrive le premier. Cet ancien boxeur porte sur le nez des verres, épais comme des pare-brise, qui augmentent l'effet de rougeur de ses yeux : Youri est ivre. Il avoue avoir bu de la vodka pour éteindre la douleur consécutive à sa visite chez le dentiste. Les autres gardes-chasse arriveront dans le même état d'ébriété, sans que le dentiste en soit responsable pour autant. Dans cette ivresse générale, bribe par bribe, touche par touche, s'offre à nous le tableau de la vie quotidienne du parc national. Le directeur est haï. C'est un fossile de la période communiste, un petit Staline avec lequel il a d'ailleurs une ressemblance physique. Ce dinosaure englué est indifférent à tout. Sauf aux bakchichs. Les braconniers lui achètent de la tranquillité, il se contente d'empêcher ses hommes de patrouiller. Tous les gardes-chasse semblent résignés et vivent de l'air du temps, de farniente et
d'indolence. Tous, sauf un. Youri, amoureux fou de nature, pense à ses enfants, petits enfants : 'Au rythme actuel, ils ne connaîtront plus l'abondance du lac et des rivières'. En effet, les taïmens, lenoks et autres gigantesques bouche-bées des ondes disparaissent progressivement. Les habitants des berges, désormais sans emploi, survivent des richesses naturelles les entourant : jusque là tout va bien. Mais le commerce s'en est mêlé et les eaux sont surexploitées. De par sa position de garde-chasse, Youri pourrait, en braconnant, faire vivre aisément sa femme et ses deux enfants, car le poisson se vend cher. Mais, de par son passé de boxeur peut-être, Youri a gardé la volonté de se battre. Une volonté et un courage aveugle car il n'a pas le moindre moyen et ne fait que gigoter dans une nasse, tel les poissons qu'il tente de protéger. Il empêche ses voisins, ses amis, sa famille de braconner et ne fait que déclencher ce qu'il appelle 'le terrorisme de village': son unique vache vient d'être volée. Un coup très dur. Ses collègues, eux, n'attendent que le départ en retraite, dans deux ans, du chef véreux. Mais d'ici là,
Davsha n'existera probablement plus : l'approvisionnement du village revient trop cher aux Parcs Nationaux qui songent à reloger les habitants dans les tours de béton d'une banlieue de Nijnéangarsk, au nord du lac. Les employés ne viendront plus ici, dans ce paradis de nature, qu'en mission ponctuelle. D'après le triste théorème de l'économie de marché ...

Après avoir pu, non sans mal, dégotter du pain et quelques boîtes de viande chez les habitants, nous quittons Davsha avec la promesse à Youri de lui procurer des chaussures neuves de taille 47. Il en rêve depuis si longtemps.

Vendredi 13 mars. C'est la pleine lune. Les loups rôdent. Mais cela ne fait rien, nous sommes à l'abri au coin de l'âtre d'une très rustique chaumière. Les tenanciers de l'isba, un très vieux couple installé ici depuis ils ne savent plus quand, nous ont accueillis de façon sibérienne (traduisez : très chaleureusement) dans une orgie de pâtés au chou, de myrtilles glacées et de gâteaux à la graisse de phoque. L'endroit s'appelle le 'Kordon Siéverné' et ici aussi les vaches disparaissent. Mais ce sont les ours qui les emportent. Les deux dernières il y a trois et cinq ans. Cette année, bien que la neige ait été abondante sur le Kordon, ce sont les loups qui menacent. Chacun son tour.

Le soleil se couche et enflamme tout le paysage. Le lac scintille. Les morceaux de glace éclatée, éjectée de la banquise par la friction des plaques, sont autant de vitres qui lancent des reflets oranges. Des champs de miroirs flamboient. Encadré de montagnes teintées rose, sous un ciel brûlant, le lac a pris feu.

Le lendemain, en approche du refuge de la rivière Kabargan, la couche de neige réaugmente. Nous décidons de partir pour une traversée de cinquante kilomètres, nuit sur la glace à la clé, vers la côte ouest où il y en aura certainement moins. Au loin apparaissent trois points noirs. Ce sont des pêcheurs qui s'affairent ; tout d'abord, à l'aide de pics, ils creusent dans la glace un trou de vingt, trente centimètres de diamètre. Puis, avec un fil à plusieurs mouches fixé à un bâton, ils
pêchent. Figés comme le froid, très concentrés, attentifs au moindre mouvement, le poids de l'eau qui gèle autour du fil leur fait parfois imaginer une prise inexistante. Ces pêcheurs-buveurs vont rester deux ou trois jours sur la glace. La nuit, ils dormiront dans leur voiture. Pour ne pas geler, les moteurs resteront allumés. Si vous comptez passer la nuit en tente, éloignez-vous de ces pêcheurs ou vous aurez l'impression de dormir sur un parking de supermarché.

Pendant deux jours, par un fort vent de face, nous avançons péniblement sous la surveillance d'immenses montagnes blanches et impassibles qui plongent dans le lac. Des montagnes jusqu'à trois mille mètres entre lesquelles serpentent des rivières gelées. Il fait nuit depuis longtemps lorsque, éreintés, au prix de marche forcée pour éviter d'avoir à dormir à nouveau sur la glace balayée de grands vents, nous approchons de la côte ouest. A tour de rôle, pendant que l'un épie les
sonneries du téléphone satellite posé sur le chargement (ce qui aura permis à Arnaud, ravi, d'apprendre que sa feuille d'impôts était arrivée), l'autre tire, au jugé dans le noir, perdu dans le bruit de ses crampons. S'il s'arrête, le traîneau restera collé à la glace. S'il tombe sur une zone d'anfractuosités, nous resterons coincés sur la glace. Les permanences téléphoniques sont toujours de grands moments. La surprise sera pour le réveil, depuis la tente posée entre les congères
de la rive : nous sommes passés, au hasard, entre de grands champs tourmentés infranchissables. Au cap Kotelnikovsky surgit des profondeurs une bienfaisante eau sulfureuse à 60°C. Une mini station thermale a vu le jour il y a vingt ans lors de l'épopée de la construction du BAM ou Baïkal-Amour-Magistrale, un dédoublement du Transsibérien dans des régions quasi inaccessibles. Oeuvre gigantesque, chantier du siècle pour les Soviétiques, cheval de bataille de la propagande communiste, gouffre financier, cette voie ferrée est aujourd'hui pratiquement inexploitée. La station thermale, malgré des vitres remplacées par des bâches plastique, fonctionne encore. Joie. Juste à côté se trouve un refuge occupé par deux jeunes pêcheurs du kolkhoze de Baïkalskoe, un village situé à quarante kilomètres au nord. Ces deux novices passent ici, seuls, quatre mois d'hiver à pêcher sous la glace. Leur seule nourriture provient des poissons qu'ils
pêchent et d'un sac de farine, accroché au plafond à l'abri des souris. De temps à autre, ils sont livrés en pains et cigarettes. Un jour ils pêchent, un jour (ou deux) ils se reposent. Une vie hors du temps.

Au petit matin, l'un d'eux, Volodia nous emmène à la pêche, par la route de glace. Nous embarquons sur un traîneau d'une autre époque, tiré par un cheval bourru aux sabots cloutés. C 'est 'Docteur Jivago' version Baïkal. Au début nous filmons, photographions Volodia, l'aidons à chaque escale à percer la glace, vider les nasses, tuer les dix ou quinze poissons et les rendre plats à l'aide d'un gourdin avant qu'ils ne gèlent. Mais le vent sévit, nous transforme en glaçons et l'expédition devient moins romantique. Petit à petit, de plus en plus frigorifiés, nous nous recroquevillons sur nous mêmes, cessons toute activité hormis celle de maintenir le traîneau sur ses deux 'skis' car il se disloque et le renversement menace à chaque aspérité de la glace.

De retour au refuge, il ne restera plus qu'à se décongeler (doucement pour minimaliser la douleur) puis réparer le traîneau. Le 20 mars, nous atteignons le nord du lac, Sévérobaïkalsk, une ville de 35000 âmes à moitié détruite, à moitié délabrée, à moitié en construction. Un goût de far ouest. Nous logeons dans une école
construite au temps des pionniers du BAM. Ce bâtiment qui menace ruine brasse tous les aventuriers de la région. Un groupe de sept Lituaniens vient d'arriver et l'ambiance est morose, un des leurs a été emporté hier par une avalanche. Viennent aussi de revenir d'expédition trois ouvriers de l'usine d'acier de Jéleznogorsk, une triste ville noire. Ces trois personnes, qui travaillent toute l'année pour des salaires de misère, passent leurs vacances en haute montagne à se brûler le visage
de soleil et de vent glacial, sur des skis en bois. Leur équipement est invraisemblable, tout est fait maison : les vêtements, la tente (à partir de parachutes récupérés), les gamelles, le poêle à bois et même la nourriture lyophilisée. Ils sèchent, déshydratent eux-mêmes, par un système mystérieux, du bortsch, une soupe consistante à base de chou, de viande et de betterave. Tout est sorti de leurs mains. L'amour des Sibériens pour leur nature est à l'image de celle-ci : démesuré. Nous quittons Sévérobaïkalsk par le vol 506 pour Irkoutsk. Dans l'Antonov rafistolé, j'imagine que la compagnie aérienne locale et
l'église orthodoxe ont conclu un pacte nommé 'Plus près du ciel, plus près de toi mon Dieu'. Arnaud s'est endormi dans des rêves de Baïkal.

Au revoir Vieux Lac. Merci. A bientôt.

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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