Vladimir est pêcheur
professionnel à Irkoutsk, il est spécialisé dans
la pêche à la mouche et connaît bien les rivières
du Baïkal .A l'occasion d'un voyage en Sibérie j'ai rencontré
Vladimir Markof, l'unique professionnel de pêche à la mouche
de la région du Baikal.
Voici l'interview que j'ai réalisé dans son appartement
de la banlieue d'Irkoutsk.
AH/ Quel âge avez-vous ?
VM/ J'ai trente quatre ans
AH/ Avez vous des enfants ?
VM/ Je suis marié, j'ai deux enfants.
AH/ Comment vous est venue la passion de la pêche à
la mouche ?
VM/ J'ai essayé tous les types de pêches depuis
mon plus jeune âge. Ici la pêche est une institution, mais
la pêche à la mouche pour moi c'est assez récent,
il y a encore 5 ou 6 ans, on ne vendait nulle part des mouches en ville;
les pêcheurs pêchaient tous à la cuillère,
elles étaient de mauvaise qualité mais elles avaient le
mérite d'exister.
Depuis 5 ans que j'ai découvert la pêche à la mouche
je ne pêche plus que par ce moyen. C'est pour moi une forme de
pêche qui laisse moins de chance au hasard, elle demande une grande
connaissance du milieu. J'ai autant étudié les nymphes
que les rivières du Baikal, voilà pourquoi je suis devenu
un passionné de cette forme de pêche.
AH/ Comment vous êtes vous documenté
au début pour fabriquer vos premières mouches ?
VM/ C'est en lisant des revues, en regardant des vidéos
spécialisées, que je suis devenu pêcheur à
la mouche; j'ai aussi eu très vite des contacts avec des américains
qui m'ont apporté beaucoup de documentations, ce qui m'a permis
démarrer rapidement
AH/ Depuis 5 ans vous consacrez de plus en plus de
temps à cette passion : est ce toujours un passe temps ou un
travail ?
VM/ J'ai quitté depuis deux ans mon travail
d'ingénieur aéronautique pour me consacrer à temps
plein à la fabrication des mouches, ma passion est devenue mon
métier.
AH/ Votre femme travaille avec vous, nous l'avons
vue ce matin, elle vendait vos mouches sur le marché, c'est donc
devenu une véritable entreprise familiale
VM/ Mes mouches se vendent bien et puis ma femme sait bien y
faire sur le marché, mes mouches sont de bonne qualité
par rapport à la fabrication locale, cela est reconnu de tous.
La pêche à la mouche se développe, surtout pour
la pêche hivernale dans les trous de glace, mes mouches ont un
grand succès, mais ce n'est pas le même type de mouches
que pour la pêche d'été, c'est moins intéressant
à fabriquer mais cela me fait vivre.
AH/ Y a t'il beaucoup de pêcheurs à
la mouche dans la région du Baikal ?
VM/ Il y a beaucoup de pêcheurs qui pêchent avec
des mouches mais très peu qui pêchent à la mouche
comme je le pratique ou comme vous le pratiquez en occident, nous sommes
sur Irkoutsk et la région du Baikal pas plus de 15, nous nous
connaissons tous ici, à Moscou ils sont un peu plus nombreux
mais cela reste une technique de pêche tout à fait marginale.
Je fabrique des mouches qui sont utilisées pour tous les types
de pêches et de pêcheurs, je ne pourrais en vivre si je
fabriquais des mouches pour 15 personnes.
AH/ Comment expliquez-vous que vous soyez aussi peu nombreux
à pratiquer ce type de pêche alors que de nombreuses rivières
semblent si bien s'y prêter ?
VM/ Ce style de pêche est une pêche sportive, vous
devez prendre en compte la conjoncture difficile qui sévit dans
notre pays, ici on pêche surtout au filet ou avec des moyens plus
efficaces que la "fly fishing", la pêche ici c'est pour
vivre, pour nourrir la famille, on est très loin du loisir. Ce
genre de pêche est donc un luxe et comme disent beaucoup de Russes,
le filet c'est tellement mieux, on le pose et ensuite on peut aller
boire. Mais avec les changements qui arrivent même doucement,
il est possible que nous soyons plus nombreux dans les années
à venir, surtout avec l'apport de touristes.
AH/ Vous avez des relations avec des pêcheurs américains,
quels sont vos contacts avec eux ?
VM/ J'ai fait des articles sur certaines de mes créations
qui ont été publiées dans des magazines, j'ai pu
leur vendre ainsi mes mouches.
AH/ Combien vendez-vous une belle mouche sur le marché
?
VM/ La plus simple vaut 4000r (4fr) la plus chère 30 000r
(30fr).
AH/ D'après des pêcheurs vous auriez inventé
certains types de mouches ?
VM/ Je ne prétends pas avoir inventé quoi que ce
soit, j'ai simplement fait le tour de toutes mes connaissances dans
le domaine de la mouche et j'ai créé ce que je n'avais
vu nulle part ailleurs. Je me suis attaché à reproduire
des mouches au moment ou les nymphes sont dans la période où
elles sont les plus vulnérables, sans la période de ponte
ou dans la période de mues de leurs enveloppes.
AH/ Les rivières du baikal sont-elles d'un
grand intérêt pour la pêche à la mouche ?
VM/ Elles le sont très certainement même
si l'on n'y trouve pas de truite mais des poissons de la même
famille, les lenoks, karious et taemins sont très intéressants
à pêcher. Ils sont présents en grande quantité
surtout dans les rivières du Nord du baikal. Une belle journée
de pêche ramène jusqu'à 40 poissons de très
belle taille. Les meilleurs mois de pêche étant la période
allant de fin juillet à la mi-septembre. En plus pour les ours
qui peuvent se trouver dans les parages des rivières c'est une
période peu dangereuse pour l'homme car la taïga est pleine
de nourriture et les ours ne sont pas agressifs.
AH/ Quels sont vos projets dans le futur proche ?
VM/ J'ai en cours la préparation d'une exposition en ville
de mes modèles pour permettre au plus grand nombre de découvrir
les joies de ce sport et de retracer l'histoire de la pêche à
la mouche en occident puis j'essaie d'apprendre à certains jeunes
la technique de fabrication des mouches, certains sont très doués,
je fabrique la concurrence pour élever le niveau de nos réalisations
!
AH/ Vladimir, certaine personne prétende en Europe que
le Baikal est pollué, qu'en est-il d'après vous ?
VM/ Il y a effectivement des sources de pollution comme la fameuse
usine de cellulose au sud près de Baikalsk mais à 500
km de là dans le nord les rivières sont toujours aussi
abondantes en poisson.
AH/ Vous rêvez sûrement d'aller pêcher dans
d'autres régions du monde, quelles sont-elles ?
VM/ Non vraiment pas, je n'ai qu'une seule envie et cela chaque
année, repartir au plus vite dans le Nord du Baikal pour la saison
de pêche, pour moi il n'y a pas mieux !