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• Baikal a bicyclette
• Olkhon en kayak
• Interview d'un pêcheur d'Irkutsk
• Un traîneau sur le lac
• Premier voyage d'Arnaud Humann
• De Severobaïkal à Solnichnaya en kayak
• Tour d'Olkhon à pied en hiver
• Moteur pour Youra. Pari gagné !

Ce texte est un extrait du journal d'Arnauld Humann lors de son premier voyage à pied autour du Baïkal en 96.

PREMIER VOYAGE D'ARNAUD HUMANN
Première marche à partir d'Oust-Bargouzin

Le sac sur le dos, pour nos premiers mètres, il nous faut déjà nous agripper. La forêt monte devant nous comme un mur. Après une demi-heure, nous sommes déjà épuisés ; on s'arrête cinq minutes et on repart. Après deux heures de marche, nous arrivons chez un vieil homme qui habite non loin de Kourboulik. Celui-ci nous propose gentiment sa table. A ma grande surprise, il jette un poisson cru sur la table, qu'il vide et découpe rapidement : " servez vous, les amis " . Quel plaisir pour moi ! Mais je ne tiens pas à le vexer et mâche difficilement ; heureusement la vodka aide à faire passer ce qui me semble être immangeable ! mais
qui s'avérera plus tard, avec l'habitude, excellent.

Sa femme, toute petite, peste contre lui : il boit trop, bon à rien puis elle hausse les épaules. Dès qu'il s'absente, elle nous dit sur le ton de la confidence, qu'ici, il n'y a rien d'autre à faire ! Pas d'avenir ! Alors, à quoi bon résister à la bouteille !

Le village, au bord de la plage, est composé de cinq maisons,: je me sens déjà loin de tout, le lac s'étend à perte de vue, les montagnes au loin sont encore enneigées.

Nous comprenons vite qu'aucun bateau ne viendra ici ; de toute manière pas d'essence ; dès que le vieux part s'endormir, nous nous dirigeons le long de la plage vers Kourboulik dans l'espoir de trouver un bateau pour passer sur l'autre rive.

Nous rencontrons un pêcheur qui se propose de nous emmener le lendemain. Il met à notre disposition une cabane pour la nuit. Revenu vers 19 h., il nous annonce notre départ pour le soir même : il a trouvé de l'essence plus vite que prévu.

Victor discute longtemps avec le pêcheur, sans le " touriste " que je suis. J'attends à la porte de la maison, pour ne pas perturber les négociations.
J'ai l'impression d'être un peu tenu à l'écart, mais Victor sait ce qu'il fait et je lui fais confiance. Entre eux, la discussion sera plus directe.
Notre trajet doit durer quatre heures : nous devrons payer l'équivalent de trois cents francs ; cela me semble bien cher mais nous n'avons pas le choix : il faut sortir de là au plus vite et Victor tient absolument à nous éviter ce passage de la côte qui, d'après une de ses amies d'Irkoutsk, est impraticable à pied.


Première Barque


Nous partons très en retard avec la femme du pêcheur, un ami , deux bouteilles de vodka et des couvertures. Le bateau avance tranquillement : vers 23 h., on y voit encore un peu et nous nous arrêtons pour une pause dans une crique. La montagne tombe, abrupte, dans le lac ; il n'y a quasiment aucune plage. Quelle bonne idée a eu Victor d'éviter tout ce coin là. La forêt semble impénétrable.

1h30 du matin : la bateau avance toujours ; il pleut ; le temps commence à sembler long ; on gèle puis, arrêt net ! C'était trop beau ! Fausse alerte, c'est une panne d'essence mais ce n'est tout de même pas bon signe pour nos passeurs car on entame le dernier bidon ! Il leur manquera du carburant pour le retour!

D'après le pêcheur, nous serons bientôt arrivés.

Trente minutes plus tard, tout à coup, des vagues sur le lac ; le bateau bouge anormalement. Je demande à Victor ce qui se passe, Il m'annonce de l'orage, alors que pourtant, il n'y a aucun éclair, ni tonnerre. En une demi-seconde, le pêcheur qui semblait bien amorphe, se lève, jette sa veste devant lui. Il tient d'une main le gouvernail et de l'autre agit sur le moteur. Il nous crie de nous asseoir. D'un seul coup, c'est un peu la panique. Nous mettons quelques instants à comprendre. Nous sommes dans l'estuaire d'un torrent qui se jette dans le lac : grosses vagues, courant terrible. Si le bateau se met de travers, il va chavirer. Impuissants, nous laissons manþuvrer le pêcheur. Après une demi-heure de lutte, nous touchons à la rive. Même Victor n'en mène pas large. Malheureusement la cabane où nous sommes censés arriver, se trouve sur l'autre rive. Je ne vois pas d'inconvénient à ce que nous en restions là ! Mais, confiant, le pêcheur repart dans les vagues vers la cabane. Il
est 3 heures du matin : nous nous jetons hors du bateau, du bon côté de la rivière, très contents de mettre un pied sur la terre ferme. Nous avons eu beaucoup de chance de ne pas chavirer car le courant nous aurait emmené hors de portée des côtes.

Même le pêcheur est satisfait de se voir sur la terre ferme. Au milieu de la bagarre, je criais à Victor : "we are in deep shit " ! Il me fit signe que " oui ", on ne pouvait rien faire que regarder le pêcheur manþuvrer. Pour que Victor m'ai semblé inquiet, c'est que nous étions vraiment mal partis.

A un moment, je me suis même dit : " Arnauld, tu l'as bien cherché, tu vas finir au fond du lac dès les premiers jours ! et ce, à trois heures du matin, si près de la rive ! " Mais je me suis vite repris, en regardant le pêcheur se débattre avec force entre le gouvernail et le moteur. Il était " surconcentré " ; je ne devais pas lui communiquer de sombres pensées !

Trempés, nous marchons dans la forêt et les marécages, l'eau jusqu'aux genoux ; il me semble que nous empruntons tous les sentiers mais qu'aucun ne nous amène à la cabane.

Je suis le seul à disposer d'une lampe et dès que j'en éclaire un, c'est l'autre qui tombe ! Comme par miracle, la cabane apparaît : elle était bien cachée. Nous attend là un poêle, et la porte fermée, beaucoup de réconfort ! Le feu vite allumé, il fait bientôt chaud et nous pouvons nous sécher. Victor prépare la soupe et tout le monde rit. Rien ne semble les inquiéter : quelle importance de chavirer dans l'eau glacée à cette heure tardive !Pour eux, rien d'étonnant, c'est la vie. On passe du danger au réconfort, rien d'anormal, sauf pour moi.

Nous nous endormons vite sur les planches en bois qui font office de lit, en balayant de la main les araignées et différentes crottes de souris. Mais, quelle bonne nuit !

Le matin, les nuages sont au ras du sol, il pleut et l'on se réveille étonnés de se trouver, là dans un trou pareil ! Nos premiers gestes sont pour le bateau que nous allons inspecter. Celui- ci s'est mis de travers et les vagues l'ont inondé. On ne voit même plus le moteur ; nos amis démontent et font sécher les bobines électriques ; nous en avons pour des heures mais le temps ne compte pas et nous ne voulons pas les laisser tant qu'ils ne seront pas sortis d'affaire. Ce pêcheur a pris
des risques : le moteur ne repartira peut-être pas mais nous avons plus de vivres qu'eux alors, au cas où, nous attendons : on leur doit bien ça !

De plus, le temps est tellement mauvais, que l'on ne perd rien à attendre. Je vais voir la rivière qui nous a posé tant de problèmes cette nuit. De jour, cela paraît moins impressionnant mais de nuit !

Toute la journée, nous attendons que la bobine électrique du moteur veuille bien sécher. Cela prend des heures. Mes amis dorment. J'ai toujours trouvé que les Russes ont une faculté à occuper les moments d'inactivité par de longues heures de sommeil, quelle que soit l'heure du jour. C'est le genre de chose que je ne peux pas faire. La cabane est surchauffée par le poêle qui tourne à fond. Je prends sans bruit mon matériel de pêche et pars pour une première tentative. Victor me voit
partir, le " frantsous " à la pêche, cela semble beaucoup l'amuser ; il n'a pas tort, je n'y connais rien ! Il n'est pas censé savoir que je n'ai jamais pêché que deux fois dans l'Oise, en ramassant uniquement des " chaussures. " Ma carrière de pêcheur s'arrête là.

Me voyant partir, il pense sûrement que c'est une bonne chose ; ils pourront d'autant mieux dormir et je leur rapporterai bien une grenouille !

Premier lancer dans la rivière : d'entrée la cuillère résiste mais ce n'est pas un poisson simplement un bout de bois ! Par tous les moyens, je tente de la décrocher ; au bout d'un quart d'heure, résigné, je coupe le fil ! Un lancer, une cuillère, cela va devenir vite très compliqué à ce rythme. Je repars vers la cabane, et en reprends une
silencieusement. Je ne suis pas bien fier mais décidé à retenter l'expérience. Mais, cette fois ci, sans plomb, pour éviter que la cuiller ne racle le lit de la rivière : deuxième lancer et de nouveau une branche ! mais non ! c'est un poisson et un gros ! Deux heures après, j'en suis au moins au vingtième ; cela ne m'amuse même plus ! En dessous de 30 centimètres, je les rejette à l'eau ; c'est une véritable rivière miracle et c'est avec plaisir que nos amis pêcheurs les emporteront pour leur dîner. Personne ne comprend comment j'ai pu attraper autant de poissons et ils commencent à s'intéresser de près à mon matériel. Je leur donne des explications ; j'ai l'impression qu'ils me prennent pour un pêcheur fort compétent.

Cela fait une journée et demie que la bobine tente de sécher ; cette fois ci, ils doivent partir car au village, on va commencer à s'inquiéter. Le moteur est foutu ; ils vont donc ramer et paraissent inquiets.

Ils n'ont pas été récompensés de leur gentillesse et des risques pris à nous amener jusque là. Alors, au moment de payer, j'augmente un peu la note bien justifiée. Victor et moi passons encore la nuit dans la cabane ; rien ne sert de partir maintenant vu l'heure et la pluie.

De plus, avec tout notre poisson, le dîner s'annonce grandiose !

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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