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    OPERATION 2001

    "DES VETEMENTS POUR LES GAMINS DES RUES D'IRKOUTSK"

    Enfant des rues d'Irkoutsk

     

     

     

     

    Comme vous le savez peut être pour avoir de temps en temps lu mes papiers dans le magazine (cliquez ici pour un exemple), je suis français, je vis à Irkoutsk et j’y organise des voyages sur le lac Baikal.

    Pour une fois, le sujet qui me préoccupe n’est pas le Baikal, les magnifiques aventures que nous y vivons, la pollution ou non du lac ou tout autre sujet le concernant. C’est un sujet non moins grave : les enfants abandonnés d’Irkoutsk. Il vivent comme beaucoup d’enfants du Brésil ou d’ailleurs, à la merci de la drogue, de la prostitution et de bien d’autres fléaux.

    Souvent je suis passé près d’eux, sans vraiment les remarquer ou sans vouloir les remarquer, bien tranquille dans ma tour d’ivoire. Un événement, que j’aurais aimé éviter, m’a ouvert les yeux sur la face cachée des rues d’Irkoutsk....

    Rendez-vous avec la misère d’un hôpital pour grands brûlés...

    Il y a quelques semaines de cela, de retour d’une petite course en ville, j’ai entendu, du bas de l’escalier, des hurlements dans mon appartement. Ma fille de 15 mois venait de se renverser une casserole d’eau bouillante sur le menton et le torse. 45 minutes plus tard, celle-ci était transférée dans le seul hôpital pour grands brûlés de toute la région d’Irkoutsk et d’une partie de la Yakoutie (soit un hôpital spécialisé un territoire grand comme 4 fois la France).

    La salle où elle est accueillie porte le nom pompeux de salle de " réanimation ". De salle de réanimation, elle n’en porte en fait que le nom. J’y rencontre des médecins forts sympathiques et sûrement compétents, mais totalement démunis. J’y intercepte ce type de conversations : " Bon, il faut opérer dit l’un des médecins. Mais as-tu des gants ? Non et toi ? De toute façon, nous n’avons plus d’instruments, alors nous faisons quoi ? Rien... Que veux tu faire ? ". Ma femme et moi fouillons aussitôt toutes les pharmacies de la ville pour dégoter une aiguille à perfusion. Plus tard, nous découvrons que le dénuement matériel n’est que l’un des versants du problème, l’hygiène est totalement absente de la salle de réanimation où la saleté n’est que repoussée contre les murs avec d’horribles serpillères. Notre fille demeurera 4 jours dans cet environnement avant d’être transférée dans l’hôpital pour enfant d’Irkoutsk, dont l’équipement, heureusement, est bien plus proche de celui d’un hôpital européen.

    Première rencontre avec Sacha.

    C’est durant la première phase du traitement de ma fille, dans cette salle de réanimation de l’hôpital des grands brûlés, que j’ai rencontré Sacha. Celui-ci occupait le lit juste à coté de ma fille. 40 % de la surface de son corps était brûlée, dont une bonne moitié du visage. Il me fût difficile, au début, de poser mon regard sur ce gamin de 13 ans, tant il était défiguré. Sacha avait été atteint par jet d’acide lors d’une bagarre avec d’autres gamins. J’appris rapidement que son père avait été tué par des trafiquants de drogue, que sa mère était morte d’overdose et qu’il n’avait comme maison que la rue. Sans commentaire…..

    Sacha gémissait dans son lit. J’essayais de le faire parler pour qu’il détourne son attention de ses douleurs. Il demandait des piqûres. L’infirmier, qui montait la garde depuis 3 jours sans interruption, lui répondait sans même tourner la tête " tu as eu ta dose, tu es un drogué, attend la prochaine piqûre, plus tard, plus tard ".. Chaque jour passé auprès de mon enfant, je lui ai apporté des pommes, des jus, une tasse pour boire, un nouveau tee shirt. Nous sommes presque devenus amis. Lorsque c’était au tour de ma fille de pleurer, Sacha prenait sur lui et essayait de son mieux de la faire sourire en agitant sa main pour mimer une marionnette fictive. J’ai pu constater, durant dans ces moments, combien ce gamin était bon, comme tous les gamins. Car il n’y a pas de mauvais gamins mais des gamins perdus.

    Les médecins, voyant que je m’occupais un peu de lui, me dirent un jour " mais pourquoi tu l’aimes bien celui là, c’est un drogué ! "

    Ma quête pour retrouver Sacha et ma rencontre avec les enfants des rues.

    Ma fille sortie d’affaire, je suis retourné à l’hôpital pour apporter des fruits et du jus, à mon ami. Mais au bout de 4 jours, plus de Sacha. Sacha avait fuit l’enfer de l’hôpital pour l’enfer de la rue. Il avait choisi d’être libre sans se soucier du reste. Seul et dans son état, il ne tiendrait pas longtemps. Sacha devait séjourner au minimum trois mois à l’hôpital. Il devait être opéré, mais qui aurait payé ? Personne. Il serait demeuré défiguré mais vivant.

    Ne pouvant en rester là, je pars errer dans les rues à la recherche d’une ombre. Je questionne les gamins qui vivent sur les quais de l’Angara. Certains on aperçu Sacha. Je promets 500 roubles à qui m’organise un rendez vous. J’espère qu’une rencontre lui fera reprendre le chemin des soins.

    Les gamins vivent en bande de 5 ou 6, ils ramassent comme de nombreux autres adultes perdus, les bouteilles de bière qui sont consignées. Ils volent pour se droguer, l’héroïne est très bon marché ici.

    J’ai pu discuter avec l’un d’entre eux. Il ne veut pas rentrer chez lui, ses parents boivent et n’ont pas de quoi le nourrir. Il me confie que la rue c’est bien, il y a tout, les bouteilles de bière, les poissons dans le fleuve et tant de choses dans les poubelles. La vie est belle. L’insouciance est totale.

    Les jours passent et bien sûr, aucune nouvelle de Sacha. Je ne donne pas ma prime et je ne distribue plus les billets pour les bières ou, paraît il, pour le pain. Hier, j’offre 20 roubles à un gamin, son grand frère passe derrière et les lui prend pour acheter des cigarettes...

    Alors que faire ? Ne rien faire serait plus tranquille, plus " neutre ". D’ailleurs j’étais le premier à passer devant eux sans réagir. C’est le malheur qui m’a ouvert les yeux. Comment blâmer ceux qui ne veulent pas voir ?

    Des vêtements pour les enfants de rues d’Irkoutsk.

    En distribuant de l’argent, je constate que j’alimente leur système d’existence sans pour autant les aider concrètement. Je décide donc de demander aux touristes qui viendront voyager en ma compagnie de penser à mettre dans leurs valises des habits pour gamins de 6 à 15 ans. Je distribuerais ces vêtements dans l’hôpital pour brûlés ou bien directement dans la rue.

    On a souvent dans son placard un vieux blouson ou une chemise ayant appartenu à l’un de ses enfants et qui ferait le bonheur d’un môme de la rue. L’été arrive. Mais dans quelques mois, le grand hiver reviendra et les gamins vont crever, crever de froid. Comme chaque année, seuls les plus costauds reverront l’été.

    Pour Sacha, c’est différent, il sera mort avant l’hiver si je ne le retrouve pas. Alors chaque soir, je reprends ma bicyclette et je cherche, je cherche encore.

    Voilà pour une fois une chronique qui ne vous parle pas du grand bonheur de vivre près de ce joyaux qu’est le lac Baikal. C’est moins gai, mais il fallait que je la fasse.

    Si dans vos tiroirs vous trouvez une chemise de gamin, un pantalon, une paire de chaussure que vous auriez jetée un beau matin, un vieil équipement de ski, des chaussettes, un bonnet, des gants... Mettez tout cela dans un carton. Un petit paquet de la poste en vitesse lente, cela doit bien coûter le prix d’une demi pizza !

    Mon adresse ici est la suivante :

    664 000 Irkutsk
    rue rossiskaya
    dom 2 A- 45
    Humann Arnaud
    arnaud@baikal-lake.org

    Merci pour eux. Si vous ne faites rien, c’est normal. On ne peut pas passez son temps à pleurer sur la misère du monde, personne ne pourra vous le reprocher. Une seule chose certaine, c’est que plus l’on partage plus l’on est heureux.

    Passez de bonnes vacances ! Après cet hiver pluvieux en France vous l’avez bien mérité.

    Amicalement de Sibérie

    Arnaud Humann

     

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
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