Agnés et Alexandre
sont venus de Suisses pour visiter le Baikal, toujours de bonne humeur,
intéressés par tout, quoi de plus agréable que
de faire découvrir le Baikal lhiver à des gens aussi
ouverts. Agnés est pourtant, de par son travail, plus habituée
au luxe quà la dure vie Sibérienne, en Suisse elle
fait partie de léquipe qui manage le sommet de Davos et
Alexandre est banquier. De chef détat nous nen avons
pas vu de Banquier non plus, ici il nen reste plus beaucoup depuis
la chute du rouble et la crise.
Nous avons parcouru lîle
dOlkhon avec mon minibus bleu glace ! bu la vodka à la
santé du dieu Bourkan, grimpé les montagnes partout où
lon pouvait escalader pour voir dencore plus haut le lac
bloqué dans son étreinte de glace.
Puis grâce à
Alexis, mon fidèle compagnon traducteur, ils ont pu discuter
avec nos amis de la station météo dOuzouré
où nous aurions bien passé une semaine de plus tant la
vue est belle et le calme reposant.
Pendant ce voyage, nous avons
aussi rencontré par hasard un homme peu ordinaire. Alors que
nous approchions de la rive en sortant dOlkhon, un homme au loin
seul sur la glace nous faisait de grands signes. Jai alors demandé
à Micha, notre chauffeur, de sarrêter. En Sibérie,
lorsquun homme sorti de nulle part vous fait signe, on sarrête
encore car un jour se sera peut être notre tour de demander de
laide. Alors voilà son histoire.
Cet homme dont je ne connais même pas le nom est pêcheur
, il est venu avec son équipe à Rougir au centre dOlkhon
pour quelques semaines de pêches sous la glace. Mais voilà
quil tombe malade. Incapable de pêcher, son patron le renvoie.
Il part alors chez lui à pied pour 90 km jusquau village
de Yelantsé à lintérieur des terres. En plein
hiver habillé de loque, il dort dehors contre les rochers pour
sabriter du vent puis traverse le passage qui mène à
la terre en pataugeant dans la glace fondue, inutile de vous parler
de létat de ses pieds ! Alors quil est presque arrivé
sur la terre ferme, cest là que nous le trouvons.
Nous allons au village où
il vit à 50 km de là et bien sûr nous lembarquons.
Nous partageons thé et cigarettes, il ne semble pas y croire,
dans son malheur cest son jour de chance, son visage sillumine.
Il nous raconte que sur la glace il a fait signe à plusieurs
voitures qui ne se sont pas arrêtées, le délit de
sale gueule est arrivé jusquici, on nembarque pas
les Bouriates en loque. La Sibérie change aussi !
Au bout dune bonne heure
de route et sous un vent terrible nous le déposons aux portes
de sa maison . Que serait-il advenu de lui sous ce vent, frigorifié
et malade ? Il serait mort et alors ici qui se soucie dun Bouriate
mort au bord dune route. Ici, cest comme ça, on appelle
pas une ambulance pour chercher un malade, on lenvoie pour 90
km à pied retrouver sa cabane, cest dur la Sibérie
pour certains.
Alors cest pour cela
que les amis suisses étaient supers ils ne se plaignaient pas
de trouver les toilettes dans le jardin à 50 m de la maison,
ils ont mangé le foie de renne, le poisson cru et dormi sur des
lits défoncés. Ils ont compris la Sibérie et ont
su écouter le silence du lac. Ce nest pas le cas de tout
le monde , certains transportent la France jusquici et ne comprennent
rien, heureusement ils ne sont pas nombreux !
Notre ami, avait une figure
burinée par le vent, les yeux bridés. Je nai pas
pris des photos de notre malade Bouriate, personne nen a pris,
car ce nétait ni lheure ni le moment, nous ne sommes
pas des visiteurs de Zoo.
A vous de vous limaginer,
cétait un homme.